« Au début, il y avait nous »
Le froid caressait sa peau comme le plus sombre des élixirs, elle observait attentivement, du coin de l’œil, le procès qui se déroulait devant sa mine faussement effarouchée. Cette vipère était encore jeune, essuyant quelques modestes larmes du coin de son mouchoir opalin. Le brigand qui comparaissait, un homme d’une quarantaine d’années à l’allure bientôt bedonnante se confondait en excuses, il venait d’avouer ses méfaits, tester des substances illicites sur des pokémons inoffensifs. Un drame, une sentence qui l’enverrait en prison à coup sûr et qui apposerait la mention « divorce » sur le contrat de mariage qu’ils avaient autrefois scellés. Le juge, Ivian Stan, récemment promu à ce grade de par son ambition florissante et l’appui de ses pairs avait tranché d’une voix rauque, lourde de conséquences et sans aucun remord. Il était infaillible, on ne lui résistait point. Elysia s’était rendue aux toilettes se repoudrer le nez, être merveilleuse en toute circonstance restait sa priorité, cela se travaillait. Elle ne songeait guère à retourner vivre au sein du district Pashmilla, plutôt danser un slow avec un Dardagnan, le pic en moins cependant. Elle arrangea sa coiffure, adressa un sourire conquérant au miroir qui renvoyait une image parfait de la blonde et se dirigea vers le grand hall où elle heurta tout sauf accidentellement Ivian. Ce redoutable prédateur lui plaisait, elle voyait en lui l’avenir qu’elle n’avait plus mais ce fut lui qui la surprit, de par ses mots et ses gestes. Il ne l’aida nullement à se relever et, au contraire l’envoya promener. « Vous feriez mieux de contribuer à notre société en travaillant par exemple plutôt que d’embêter ses contribuables. » Froid, acide…Elle le poursuivit, encore et encore jusqu’à ce qu’elle commence à éprouver des sentiments pour ce bellâtre qu’elle ne pouvait avoir et qu’il se noie dans son regard auquel il n’aurait jamais cru accrocher. Deux ans plus tard naissait l’inquisitrice de leur bonheur fugace, petite tête blonde que j’étais et répondant au doux nom d’Alaïs Clea.

« L’innocence n’est qu’un miroir qu’il faut briser »
Mes premiers mots furent adressés à mes parents, tout naturellement tandis que mes premières plaintes tournaient autour de sujets plus infimes les uns que les autres. Je n’appréciai guère la robe choisie par ma mère, je ne me plaisais pas dans ma nouvelle chambre aux couleurs fleuries, la soupe était trop froide…autant d’exigences et de caprices face auxquels ma génitrice fondait d’admiration, je récupérais son caractère bien trempé de petite princesse et mon père voyait là le signe d’une éducation riche à laquelle je ne tournerai jamais le dos. En effet, je suivais les préceptes de bienséance et d’ordre qu’ils m’inculquaient, non pas sans marmonner dans ma barbe. Je grondais mes poupées et utilisais ce regard noir dont on me gratifiait lorsque j’utilisais les toilettes de ma mère et de mon père pour affubler les pokémons de ces derniers. Ils étaient bien gentils de se prêter à mon jeu bien qu’un jour, le férosinge de mon père m’a gratifiée d’un coup de griffes sur le bras. En effet, j’avais récupéré un vieux stéthoscope qui traînait dans les affaires de ma grand-mère, brillante femme médecin et j’avais essayé de comprendre à quoi pouvait être due la perte de poils du compagnon de mon père. Ni une, ni deux, le pokémon fut apeuré et je finis en larmes, faisant face à l’un des sermons les plus virulents de ma jeunesse. Ma carrière de petite peste allait bientôt prendre fin car, plus je grandissais, plus je sentais ses tensions qui liaient mon père et ma mère, divergents sur certains sujets houleux qu’ils évitaient en ma présence. Pour ma part, je continuai mes petites expériences sur ce qui me tombait sous la main, je persuadai même nos invités, lors de nos réceptions, de me laisser mesurer, analyser et ausculter leurs pokémons, ce qui rendait mes compte-rendus précis…comptes rendus qui ne servaient pas à grand-chose à part satisfaire ma curiosité démesurée.

Je ne qualifierai pas nos rapports de très « fusionnels » mais si j’avais un problème, je pouvais me tourner vers eux, toujours. C’est suite à ce fameux jour que les questions commencèrent à affluer, où j’entamais déjà mon adolescence. Ma mère avait coutume de m’emmener écouter les jugements rendus par mon père, afin de me familiariser avec les lieux et d’insuffler en moi la graine d’envie qui germerait, tairait mes passions et m’apprendrait le métier que je voudrais exercer. Qu’il est doux de se bercer d’illusions, même lorsque l’on est un adulte propre sur soi. Nous étions donc installées au fond de la salle et sans sourciller, j’écoutais attentivement car l’on m’avait dit que j’assisterais à quelque chose de transcendant. Ni une, ni deux, les chefs d’accusation furent rappelés.
« Accusé, veuillez vous lever. Nous allons remémorer les chefs d’accusation qui sont retenus contre vous. Ce 3 janvier, vous avez cambriolé une épicerie en cassant la vitre principale avec une pierre d’environ 30 centimètres de diamètre, est-ce exact ? » L’accusé se tourna un instant vers l’auditoire et je découvris le regard d’un adolescent, sûrement âgé de seize ans qui reconnaissait avoir agi en tout état de cause mais qui se justifia en expliquant que sa petite sœur avait faim, qu’elle avait donné le reste de leurs provisions à leur pokémon malade. Je songeai un instant à nos propres pokémons qui étaient choyés, qu’aurais-je fait à sa place ? Son discours me hérissa le poil tandis que j’échangeai un regard avec ma mère. Elle m’intima de me taire et de continuer mon observation. Je ravalai un flot de larmes qui montait. Mon père me stupéfia, il condamna le pauvre enfant à des travaux d’intérêt général et à rembourser son dû au centuple, une amende était donc de rigueur. S’il ne pouvait payer, ils saisiraient la somme sur la paye de son père. Personne ne souffla mot dans l’assemblée et la sentence fut acceptée. Les questions ouvertes que je pouvais proférer furent la raison de notre conflit du soir venu.

« Pourquoi avoir fait cela Papa ? » furent mes seuls mots. Ils ne trouvèrent écho que dans sa colère infinie, celle qui dénigre mes propos, qui accuse mon audace et qui tait mes ardeurs. Je fus consignée dans ma chambre et m’enfermai avec Yriel, perdue dans mes pensées, portées vers cette famille qui baignait dans l’injustice.

« Ouvrir son esprit, c'est le début du changement »
Je n’ai jamais été juste dans ma vie puisque je cautionne secrètement ce mode de fonctionnement. Je me suis plainte pour des choses qui n’ont lieu d’être et pourtant que je jalouse secrètement. Je ne saurais être autrement, victime d’une instruction trop ancrée, petite fille que l’on a trop gâtée. Néanmoins, je ne serais le cautionnaire de tels actes, que cela plaise ou non. J’ai commencé à me détacher de cette emprise familiale malsaine dès lors où j’ai assisté à ce fameux procès. Je me suis sentie coupable, fautive d’un jugement rendu par mon père. Plus jamais on ne m’a vu au tribunal. Cependant, j’ai adressé un courrier à cette famille, leur témoignant mon indignation et excusant mon père. J’étais naïve et jeune. Je proposai au père de venir officier parmi nous puisqu’il nous fallait des serveurs pour l’une de nos réceptions et, crédulement, je pensais que cela suffirait à rembourser la dette. Je l’aperçus, le soir même. Il me remercia et me gratifia d’un regard que je ne connaissais point, celui d’un homme droit et aimant. Il assura être ici car il fut touché par mon initiative. Notre échange fut bref car ma mère me sermonna parce que je discutais avec les domestiques. Un incident se produisit néanmoins. Alors qu’il officiait dans notre grand salon, il invoqua son Dracaufeu qui s’invita au milieu des invités, flamboyant et altier. La panique s’installa mais très vite l’incident fut contenu. Il en avait contre mon père et désirait se venger, mon invitation était un prétexte à ses manigances. Cela était-il un crime que j’avais commis ? Je ne savais guère mais mes yeux ne parvenaient pas à se détacher de pokémon vers lequel je m’étais doucement approché et qui ne m’avait causé aucun tort, seulement gratifié d’un regard perdu. Ce lien qui s’était installé entre nous me fascina mais bien trop vite, le charme fut rompu puisque la garde était là, maîtrisant le récalcitrant, embarquant le pokémon dans sa pokéball et je n’eus aucune suite de l’affaire malgré mes nombreuses investigations pour. Je désirais ardemment comprendre et ce fut vers ce cursus que je prédestinais. Je n’étais guère une dame de lois, vindicative et juste. Je ne possédais point cette vision de leur monde bucolique ainsi que de leurs lois usurpatrices de justice. Je préférais œuvrer pour les pokémons et pour satisfaire mes envies. Personne ne changerait cela, j’allais penser à moi pour changer et non m’enfermer dans un chemin bien tracé qui ne me plaisait point. Mon père n’eut point le choix car je menaçais de salir sa réputation, en m’expatriant dans le district bulbizarre où j’aurais aidé les ouvriers au champ. Bien que je ne me voyais pas dans cette tâche où je m’ennuierais assurément, je campai sur mes positions, j’étais majeure et mes choix restaient miens.

«La cour des grands »
Je travaille pour moi, selon mes envies. Certains me trouvent psychorigide et non ouverte au débat, je ne souhaite délibérer pendant des heures de choses qui n’ont plus de sens pour moi. Cette ville se meurt, force est de constater que certains puristes pensent encore qu’il y a du bon. Je préfère m’enfermer dans ce qui a encore un peu d’importance et tenter par ailleurs de faire éclater ce dôme dans lequel on nous enferme. Je n’ai jamais été partisane du mensonge et jouer au wattouat, suivre gentiment mes compères n’est pas de mon ressort. Néanmoins, je ne peux rester innocente et naïve face aux affamés c’est pourquoi j’ai déménagé à la fin de mes études. Je n’ai guère laissé le choix, mon père n’a qu’une parole, il assumerait mes études et ensuite, je suivrai le chemin dont j’avais déjà tracé les lignes. Il n’y aurait aucun conflit entre nous car, à leur façon, ils m’aimaient mais j’offrirai un peu de ce que d’autres n’ont pas pu avoir en officiant dans l’ombre. Je suis un bon intermédiaire pour transmettre des informations car qui viendrait à me soupçonner sous peine de tomber sous le joug du juge Stan ?
Mon épanouissement vient de ma rencontre avec le laboratoire des Holmson qui me recruta sur mes capacités et guère au nom d’un patronyme qui confère une importance. D’ailleurs, je débutais en tant qu’assistante du fils Holmson, Nox. Au début seulement stagiaire, j’espérais déjà plus tellement les locaux incarnaient la consécration de ma passion. Néanmoins, le chercheur que j’assistais – mon chercheur – ne me laissait pas de marbre avec ses fossettes à se damner et son regard à noyer plus d’une femme. Pourtant, je n’étais femme à convoiter ce genre de relations, j’étais ici pour le travail et rien d’autre. De douces paroles qui n’inondaient guère mon cœur de joie. Le travail se révéla payant puisque je fus promue chercheuse, un titre honorifique à la hauteur de ce que j’avais toujours espéré, de plus, une place de choix dans la même entreprise que celui vers qui mes pensées se perdaient souvent. Cet incident survint d’ailleurs peu après cette promotion, incident qui me marqua plus que je ne le voulus. Je rentrai dans le laboratoire, une pile de feuilles calées entre mes mains, des copies de mes récentes analyses et mon sang ne fit qu’un tour lorsque la scène se dévoila à mes yeux. Nox gisait sur le sol, je découvris la substance  responsable de son agonie non loin et je m’empressai de trouver placer un sérum anti-venin dans une seringue que je plantai dans le bras du bellâtre, assez brusquement, prise de panique. Ni une ni deux, je composai le numéro des urgences pour les prévenir de son arrivée. Soulagée qu’il puisse être pris en charge rapidement, je restai pendue au téléphone afin de m’enquérir des nouvelles et ne pas laisser le laboratoire sans âme qui vive. Je crois, même je suis certaine, que cet incident nous a rapprochés. Les choses se sont accélérées puisque notre relation a commencé à évoluer, une mutation qui ne fut point pour me déplaire. Nous n’étions pas en couple mais nous partagions les moments charnels alloués à ce dernier. Je me comportais de plus en plus comme une femme amoureuse, jalousant ce que je pouvais posséder entièrement, cherchant à rompre cette barrière qui nous distance. En parallèle, je continuai mes recherches et aspirai toujours à ce que mes thèses trouvent fondement et à acquérir ce pokémon qui m’a toujours fascinée, investigateur de ma passion.

L'instant présent »
Les liens familiaux sont inébranlables et même si nous nous côtoyons de temps en temps, l’alchimie est rompue de par ma vision des choses et mon engouement pour d’autres lieux que les leurs. J’officie toujours en tant que chercheuse au sein du laboratoire Holmson même si cette idylle gâchée avec Nox me ronge, j’aimerais tellement plus, cette vie rangée à laquelle j’aspire. Néanmoins, ce serait mentir que dire que je serais une demoiselle rangée puisque je ne cautionne en rien ces nouvelles règles, nouvellement imposées et démonstratrices des failles de notre système. Récemment, j'ai assisté à l'un des procès de mon père qui m'a écoeuré au plus haut point. Les faits ne tenaient point la route mais la sentence fut trop audacieuse selon moi. Il y avait du monde ce jour-là, beaucoup inconnu à mon bataillon. Quelques jours plus tard, je fus contacté par un individu un peu louche qui, après avoir pris une multitude de précautions, m'indiqua appartenir au mouvement des Lumières et que, si je faisais preuve de détermination, je pourrais éventuellement aider après avoir passé plusieurs épreuves. Ceci est encore un épisode à venir...